La lune, à la fois pâle et lumineuse brillait dans le ciel noir. On ne pouvait distinguer les étoiles mais qu’importait, ce n’était pas quelque chose d’intéressant. Depuis le début de cette soirée, les yeux de la brune installée dans un fauteuil du salon ne se détachaient pas de la masse blanche et pleine qui se dessinait dans l’étendue noire. De temps à autres, elle se plongeait de nouveau dans la réalisation de son nouvel ouvrage, aussi étrange que cela puisse être. Cependant, quelques minutes plus tard, Bonnie levait à nouveau la tête et continuait à observer la pleine lune, comme si elle attendait que cette dernière lui indique quelque chose. Un signe peut être, un indice qui lui dirait si son mari se portait bien ou non. A cette pensée, la jeune femme secoua la tête brièvement. Bien sûr qu’il allait bien ! Après tout, c’était l’un des meilleurs dans son métier, il réussissait aisément tout ce qu’il entreprenait. Un simple loup-garou ne serait que l’affaire de quelques heures et il reviendrait au domicile familial comme si de rien n’était. Bonnie l’accueillerait à bras ouvert, ravie de constater qu’il aurait encore réussi et s’occuperait de le détendre après tant d’émotions. Comme d’habitude, voilà tout. Rassurée, l’Australienne détourna son attention du livre pour aller veiller sa fille Sienna, âgée de deux ans. Parfois, elle faisait des cauchemars et Bonnie, en mère un peu trop protectrice par moments, ne pouvait s’empêcher de passer dans sa chambre pour voir si tout allait bien. La petite brune dormait paisiblement, son doudou contre elle, il était inutile de s’inquiéter, pensa la jeune mère de vingt-sept ans. Elle pouvait donc retourner à ses occupations et attendre impatiemment le retour de Ceasar pour enfin aller se coucher. Parce que mine de rien, à presque minuit, Bonnie commençait à fatiguer. Elle revint prendre place dans le fauteuil et ordonna d’une voix douce à l’un des deux elfes de maison de lui apporter une tasse de thé, histoire de se réchauffer un peu. Frénégonde obéit sans broncher, comme d’habitude et se rua dans la cuisine afin de préparer le dit thé à « Bonnie Bougrov Maîtresse. ». Elle laissa sa tête reposer sur l’accoudoir jusqu’au moment ou un « crac » sonore retentit dans le salon. Enfin, pensa la brune, ravie de savoir son mari en vie et de retour à la maison. Elle se leva, fit le tour de fauteuil et demeura immobile face à la vision d’horreur qui se dessinait devant elle. Son mari venait d’apparaitre dans le salon, le bras en sang, vacillant, prêt à tomber à n’importe quel instant. Inquiète, Bonnie se rua vers lui et tenta de le retenir avec elle mais son poids étant trop lourd pour ses bras frêles, elle le laissa glisser par terre avant de le reprendre dans ses bras, paniquée. Son mari était dans un état grave, elle le savait. Son visage était livide, il semblait avoir chaud. Elle le savait, cette histoire de loup-garou ne se terminerait pas bien mais il avait quand même voulu y aller. Et pur une fois, ça ne s’était pas déroulé comme elle l’avait voulu. Au lieu de paraitre en pleine forme, il semblait au bord de la mort. A cette pensée, Bonnie déglutit et le serra de plus belle contre sa poitrine. Il était hors de question qu’il meurt, hors de question. Sa voix, brisée, retentit dans la maison, appelant leur elfe de maison Frénégonde qui laissa la tasse de thé en plan pour accourir auprès de sa maitresse. Tenant Ceasar dans ses bras, elle faisait tout son possible pour ne pas l’effrayer, pour ne pas pleurer devant lui. Elle essayait de lui sourire, de lui murmurer que tout irait bien mais elle se doutait bien qu’il ne croirait pas un seul instant à cette tendresse mal placée.
« Frénégonde, amène-nous à Ste Mangouste immédiatement », prononça-t-elle d’une voix tremblante.
Sitôt dit, l’elfe de maison transplana en compagnie de ses deux maitres et quelques instants plus tard, ils atterrirent dans le hall de l’hôpital sorcier ou Bonnie finit finalement par fondre en larmes, épuisée, désespérée. Elle ne voulait pas qu’il meurt, tout sauf ça. Qu’importait si on corps était couvert de cicatrices, de morsures, qu’importait s’il avait une jambe en bois, s’il était défiguré, elle l’aimerait quand même. Mais ne lui prenez pas ce qu’elle chérissait le plus au monde avec sa fille, elle refusait de passer le reste de sa vie seule. Finalement, des guérisseurs accoururent, forçant la jeune femme à lâcher son mari et emmenèrent Ceasar avec eux dans l’espoir de le guérir.
Elle avait froid. Elle se tenait là, au milieu du hall de l’hôpital sorcier, tandis que des infirmières d’affaissaient autour de son corps glacial, son corps encore tétanisé par la vue d’un mari ensanglanté, probablement au bord de la mort. On lui donna successivement de la Bièraubeurre afin de la réchauffer, puis on la fit s’asseoir sur un fauteuil en attendant le verdict des Médicomages.
Attendre, toujours attendre, songea Bonnie.
« Madame Bougrov, votre mari est sauf. »
Cette voix rassurante résonna soudainement dans la tête d’une Bonnie assoupie. Elle avait fini par céder au sommeil, ce sommeil qui lui avait fait oublier l’espace d’un instant ses inquiétudes. Se frottant délicatement les yeux, l’Australienne se mit à afficher un maigre sourire, signe faible de soulagement. En vérité, elle était sincèrement soulagée de savoir son cher et tendre en vie. Pendant plusieurs heures, Bonnie n’avait cessé de cogiter, de réfléchir à ce qui se passerait si Ceasar venait à mourir, d’imaginer quelle serait sa vie sans lui. Oh, et finalement, elle s’était endormie. Imaginer une vie sans son mari demandait bien trop d’efforts, bien trop d’épreuves à affronter seule. Il n’aurait pas pu voir sa fille grandir, la voir entrer à Durmstrang. Et sa femme, sa chère Bonnie aurait vieilli plus vite que prévu, ne se serait certainement jamais remise de sa mort. Mais fort heureusement, les médicomages l’avaient tiré d’affaires, semblait-il. Il ne garderait aucune séquelle de cet épisode, c’était la seule chose qui importait à Bonnie Bougrov. Et sans plus attendre, elle se redressa, remercia le médicomage d’un sourire sincère et se dirigea d’un pas assuré vers la chambre ou reposait son cher et tendre. Elle toqua délicatement contre la porte puis se glissa dans l’entrebâillement avant de refermer le tout avec douceur. Le visage de Ceasar ne portait plus aucune trace de ce tragique épisode, son corps se trouvait dissimulé sous sa robe de sorcier. Sans doute son torse et son bras conservaient des cicatrices mais qu’importait ; de telles futilités n’impressionnaient pas Bonnie. Après tout, en choisissant de l’épouser dix ans auparavant, elle s’était engagée à supporter le meilleur comme le pire. Et jamais ô grand jamais elle ne le quitterait. Lorsque Ceasar l’invita à le rejoindre dans son lit d’hôpital, l’Australienne afficha un sourire entendu et ne tarda pas à venir se blottir contre lui, comme si tout était normal, comme s’il ne s’était quasiment rien passé. Elle entendit ses excuses, acquiesça à chacune de ses paroles et finit par l’embrasser. Oui, elle lui pardonnait sa « bêtise », même si elle avait eu extrêmement peur, même si elle s’était imaginé les pires horreurs.
« Il semblerait qu'ils aient encore quelque chose à nous dire… »
Ah oui ? Bonnie fronça les sourcils un instant et leva doucement sa tête en direction de celle de son mari. Ce « quelque chose » ne la rassurait pas, ce « quelque chose » n’annonçait rien de bon. Les yeux de la jeune femme fixaient sans mot dire ceux de son mari, comme si elle tentait de déchiffrer la situation, comme s’il lui cachait quelque chose. Et oui, elle en avait la nette impression. Il savait.
« Tu le sais, je te connais. », murmura-t-elle doucement en posant sa fine main sur la joue intacte de son cher et tendre.
Mais peut être qu’elle se trompait, après tout. Peut être qu’il ne savait rien. Non, pensa Bonnie intérieurement, il devait se douter de quelque chose. Alors, pour toute réaction, la jeune femme fronça ses sourcils de plus belle et se mit à fixer intensément Ceasar en attente d’une réponse. L’attaque du loup garou, son bras ensanglanté…Oh non. Non, il ne pouvait pas devenir un monstre, un infâme loup-garou qui oubliait qui il était lors de la pleine Lune, c’était impossible. Il avait une fille, une femme, une famille, un métier, pourquoi s’acharner sur lui ? Envahie par une vague de crainte, Bonnie se rapprocha un peu plus du corps rassurant de son époux. Elle ne devait pas le considérer comme un monstre et elle serait à ses soins, histoire de lui faire comprendre que quoi qu’il arrive, elle l’aimerait toujours et ne le laisserait jamais seul.
« Ça ne changera rien, mon amour, je te le promets. Je t’aime, je ne te laisserai pas. », renchérit-elle d’une voix presque tremblante, au bord des larmes.
Certes, Bonnie l’aimait. Mais elle avait besoin de temps, pour le moment. |